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Dr Dachelet
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Les spécialistes en parlent

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Par nos modes de vie ultra-chargés, bien dormir n’a rien d’évident aujourd’hui. Pourtant un sommeil réparateur joue un rôle essentiel dans notre santé physique et mentale. Cela vaut encore plus pour les patients atteints de psoriasis. Explications par la docteure Claire Dachelet, médecin chef de service au CHU UCL Namur site Godinne et dermatologue au laboratoire d’anatomo-pathologie des Cliniques Universitaires Saint-Luc à Bruxelles.

Le sujet n’est pas très connu tout en ayant une importance majeure : plusieurs études ont en effet constaté que le psoriasis empêche un patient sur trois de bien dormir. Comment cela se fait ?

Pour bien cadrer les choses, je voudrais d’abord préciser que le sommeil devient une problématique qui touche la population en général, notamment parce que nous évoluons dans une société où nous dormons de moins en moins. Le nombre d’heures de sommeil diminue : en moyenne, nous dormons six heures par nuit, tandis qu’en 1975, la moyenne était de 7h30.

Il y a plusieurs facteurs qui ont mené à cette diminution spectaculaire et plutôt néfaste : nous avons des modes de vie trop chargés, entre autres à cause des exigences professionnelles et sociales. En même temps, la vie active rentre de plus en plus dans la chambre à coucher via les smartphones et les tablettes, l’environnement extérieur est de plus en plus sonore et la pollution lumineuse perturbe notre horloge biologique. En parallèle, les gens sont de plus en plus anxieux. Par conséquent, le nombre de personnes qui prennent des somnifères, même chez les jeunes, augmente.

La problématique du sommeil se pose de façon encore plus aigüe chez les personnes atteintes de psoriasis qui dorment souvent (encore) moins bien. C’est évidemment lié à leur pathologie : quand il y a de grandes surfaces corporelles atteintes de psoriasis, ça chatouille, ça fait mal, donc les patients sont inconfortables et ils peineront à trouver le sommeil. D’autre part, ces personnes souffrent souvent d’anxiété, ce qui les empêche de dormir. Si en plus il y a des atteintes articulaires, la douleur aggrave la difficulté.

Une étude de 2017 comparait des répondants sains, des patients psoriasiques et des patients psoriasiques avec une atteinte articulaire. D’après ces chiffres,50% des répondants sans psoriasis avaient des problèmes de sommeil ; parmi les patients « cutanés », ce pourcentage s’élevait à 70%. Chez les patients articulaires, 84% affirmaient souffrir d’une qualité du sommeil altérée.

C’est énorme. Quelles sont les conséquences d’un mauvais sommeil ?

Elles sont multiples, au-delà de la fatigue dans la journée. Un manque de sommeil augmente le risque de dépression, mais impacte aussi les risques cardiovasculaires, ceux liés aux maladies mentales et peut renforcer le risque d’obésité, en influençant l’hormone de la satiété, de l’appétit. C’est encore plus vrai chez les enfants. Il est donc très important de garder un rythme de sommeil sain pour ne pas aggraver les comorbidités avec lesquelles le psoriasis va souvent de pair.

Puis, et cela concerne évidemment les patients psoriasiques en particulier, les personnes qui ne dorment pas assez, augmentent leur seuil inflammatoire et courent plus de risques de développer ou d’aggraver une maladie inflammatoire.

Autant de raisons pour aborder le sujet avec vos patients. Comment vous y prenez-vous ?

Il est vrai que dormir n’est pas le premier sujet auxquels ils pensent quand ils viennent en consultation. J’aborde donc le sommeil comme élément dans une hygiène de vie plus générale. Au-delà du sommeil, je leur parlerai de tabac, d’alcool, d’exercice, d’alimentation, de poids – je pèse mes patients à chaque consultation. Je sais que cela peut paraître un peu violent, mais cela aide à les sensibiliser à l’importance de ce facteur et à constater l’impact de leurs efforts.

Il est important de conscientiser et responsabiliser les gens comme acteur de leur santé. Leur expliquer qu’il n’existe pas de traitement miracle, mais qu’il faut d’abord se prendre en charge. Notamment en matière de sommeil, il faut absolument tout faire pour ne pas instaurer des traitements aux benzodiazépines.

Vous ne prescrivez pas de somnifères. Que leur présentez-vous à la place ?

Le pourcentage de personnes sous somnifères est beaucoup trop élevé, aussi parmi la population en général. Ces traitements ne sont pas sans risque pour la santé, surtout à long terme.

Ma réponse concerne trois dimensions. La première est liée au traitement même. Il faut faire en sorte que le traitement du psoriasis soit le meilleur possible. Il ne faut jamais hésiter à traiter le psoriasis fort et vite : non seulement, les symptômes cutanés disparaissent, mais on diminue aussi les risques articulaires et des comorbidités.

Deuxième pilier : l’explication. Il est essentiel de mettre un nom sur les maladies et les symptômes afin de diminuer l’anxiété.

Trois : les aides topiques pour prévenir ou adoucir tout inconfort physique. Il faut bien hydrater la peau, prévoir des émollients et des vêtements adaptés (amples, en coton ou en soie), diminuer la température de la chambre et prévoir des sprays d’eau thermale froide pour calmer les démangeaisons. A ce sujet, je voudrais encore préciser qu’il faut essayer d’éviter ou de diminuer le grattage chronique, parce que plus les patients grattent, plus la peau réagira.

Plus en général, j’incite mes patients à privilégier un mode de vie sain et serein : peut-être en faisant du yoga ou de la méditation, avec un rythme de vie plus régulier. Et je les encourage à sortir tous les appareils connectés de leur chambre : pas de tv ni de lumière bleue qui perturbent le niveau de mélatonine et compliquent l’endormissement.

Cela dit, n’imaginez pas que je culpabilise mes patients. Chaque petit pas est un pas : c’est une mise en mouvement dans la bonne direction, c’est à chaque fois une petite victoire qui mérite encouragement.