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Dr. Hilhorst
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Les spécialistes en parlent

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« L’ALIMENTATION ET LES RÉGIMES FONT L’OBJET DE NOMBREUX MYTHES »

On sait aujourd’hui que le psoriasis est bien plus qu’une simple maladie de la peau. Ce qu’on sait moins, c’est que le psoriasis va également de pair avec d’autres affections (appelées comorbidités), comme l’arthrite psoriasique, l’obésité et le diabète. Au-delà, de nombreuses légendes urbaines circulent sur le lien exact avec l’alimentation. Le docteur Niels Hilhorst, médecin et diététicien à l’UZ Gent, fait la part entre réalité et fiction.

Vous n’êtes pas seulement un spécialiste du psoriasis, vous avez aussi un diplôme de diététicien. Cette double casquette plutôt inhabituelle tombe à point nommé dans le cabinet spécialiste du psoriasis de l’UZ Gent.

En effet. Outre l’arthrite psoriasique et des problèmes psychosociaux, les patients atteints de psoriasis présentent un risque accru de maladies cardiovasculaires. C’est pourquoi nous proposons ici une consultation dédiée au psoriasis lors de laquelle le dermatologue travaille en étroite collaboration avec un rhumatologue, un psychologue et un diététicien

Quel rôle l’alimentation peut-elle jouer par rapport au psoriasis ?

Nous savons que les personnes obèses courent un risque plus élevé de développer un psoriasis. Par ailleurs, les personnes atteintes de psoriasis qui sont également obèses, présentent souvent une forme plus sévère de psoriasis. Dès qu’elles retrouvent un poids sain, les symptômes du psoriasis diminuent dans un assez grand nombre de cas. Mais il est difficile d’établir des règles générales. On a par exemple constaté des poussées chez certaines personnes lorsqu’elles mangent de la viande rouge ou qu’elles consomment des produits laitiers. Mais ce n’est certainement pas le cas de tout le monde. C’est ainsi que naissent des mythes qui ne cadrent pas avec la réalité. Ce qui est certain, en revanche, c’est que quand il y a des comorbidités, on peut les combattre à l’aide d’une alimentation saine, surtout lorsqu’il s’agit de maladies cardiovasculaires.

Il existe cependant de nombreux régimes prétendument efficaces.

On entend en effet beaucoup parler de régimes Pagano et paléo, qui ont de nombreux adeptes en cas de maladies inflammatoires, mais les preuves de leur efficacité sont minces. Quand on examine ces régimes de plus près, on ne peut qu’en conclure qu’il s’agit en fait simplement d’habitudes alimentaires très saines, qui se basent principalement sur des produits non transformés, avec peu d’extras ‘vides’ comme les sucreries, les boissons gazeuses et les chips. C’est pourquoi nous recommandons une alimentation saine standard, avec beaucoup de légumes et de fruits, suffisamment d’eau, et peu de sucres rapides et de matières grasses. Mieux vaut aussi limiter sa consommation d’alcool.

D’après certains, un régime sans gluten pourrait être bénéfique aux personnes atteintes de psoriasis. Qu’en est-il ?

La réponse à cette question est complexe. Parmi les personnes souffrant de psoriasis, l’incidence de la maladie cœliaque est plus élevée qu’auprès de la population moyenne. Il s’agit d’une maladie des intestins où le système immunitaire réagit au gluten. Dans ce cas, une alimentation sans gluten est évidemment bénéfique.

Jeûner peut-il faire la différence ?

Nous avons mené une étude sur l’impact du jeûne intermittent (qu’on connaît aussi sous sa dénomination anglaise d’intermittent fasting). Elle a montré une amélioration, certes très limitée, du psoriasis chez certains patients. On a également observé que ces personnes avaient moins de démangeaisons et avaient perdu du poids ; avant tout, elles se montraient positives à l’égard du régime et se sentaient mieux de manière générale. L’étude n’a duré que trois mois et l’effet pourrait sans doute être meilleur à plus long terme.

Une étude récente montre aussi que les patients atteints de psoriasis présentent souvent un microbiome perturbé, cette microflore qui protège contre les agents pathogènes et qui aide à digérer les fibres. Nous disposons d’un microbiome à la fois sur la peau et dans les intestins. Le microbiome participe entre autres à la régulation de notre système immunitaire. Nous savons désormais que ce microbiome est étroitement lié à notre hygiène personnelle, aux produits que nous utilisons et même à la quantité d’UV auxquels nous sommes exposés. Dans le cas du psoriasis, nous savons également que les microbiomes de la peau et des intestins des personnes atteintes de psoriasis sont différents de ceux des gens en bonne santé. Mais les résultats des études sur ce sujet sont très divergents. Il est par conséquent très difficile de tirer des conclusions générales. Ce que nous savons, c’est que les intestins comme la peau sont en contact avec le monde extérieur et qu’ils ont une fonction de barrière. Et que le lien entre les deux est fort.

Le stress peut avoir un impact sur le psoriasis, mais également sur le bien-être général et les habitudes alimentaires.

Quels conseils donnez-vous à vos patients ?

Vous savez, il existe de nombreux régimes et chacun doit trouver une manière saine de s’alimenter qui lui permette de se sentir bien. C’est une question complexe, mais nous pouvons néanmoins conclure qu’un régime alimentaire cohérent, sain et régulier a un impact bénéfique. C’est le régime méditerranéen qui incarne le mieux ce principe. En fait, il est recommandé pour tout le monde. Je trouve particulièrement important de faire prendre conscience à mes patients et à leur entourage de leur affection dans son ensemble, et ce n’est pas toujours facile : les gens viennent chez le dermatologue pour trouver une solution à leur psoriasis, sans se soucier pour autant de leur surpoids par exemple. La motivation et la volonté de faire quelque chose à ce propos sont souvent assez faibles. Il en va de même pour la consommation excessive d’alcool et de tabac, ou pour le manque d’exercice physique. C’est pareil pour le stress : le stress peut avoir un impact sur le psoriasis, mais également sur le bien-être général et les habitudes alimentaires. Une partie de mes patients le savent déjà, d’autres non. Et nombreux sont ceux qui n’ont aucune idée de la manière d’amorcer le changement requis. Notre tâche est de leur faire passer le message sans être défaitiste. Parce que vivre sainement ne veut pas dire qu’on ne peut plus rien se permettre…

Comment peut-on améliorer la prise en charge des personnes atteintes de psoriasis ?

Nous devons l’optimiser. Il existe de très nombreux traitements efficaces et je pense qu’à présent, l’étape essentielle est de trouver comment structurer notre prise en charge de manière optimale et sans silos. Et de déterminer comment nous pouvons y intégrer tout et tout le monde, les patients comme les autres soignants. Parce que même à notre époque, il y a encore trop de patients qui ne reçoivent pas le traitement qu’il leur faudrait.