En tant que maladie auto-immune, le psoriasis ne touche pas que la peau et s’accompagne parfois d’autres maladies comme l’arthrite psoriasique. Du fait de ses symptômes peu spécifiques, cette pathologie ressemble à d’autres formes de rhumatisme inflammatoire chronique et n’est par conséquent pas toujours diagnostiquée correctement. Pour remédier à cette problématique, la rhumatologue Silvana Di Romana et la dermatologue Xuân-Lan Lam Hoai ont créé une consultation spécialisée conjointe, au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Saint-Pierre à Bruxelles.
Dr. Di Romana: Il s’agit d’une maladie inflammatoire chronique qui se traduit par des douleurs, des gonflements et des raideurs articulaires qui touchent de manière préférentielle les articulations distales, sous forme de tendinite à répétition ou sous forme de douleurs de la colonne d’allure inflammatoire. L’arthrite psoriasique se développe chez près de 30% des personnes atteintes de psoriasis, hommes et femmes, quel que soit leur âge. La maladie évolue par poussées, suivies d’accalmies. Mais si elle n’est pas traitée correctement, l’arthrite psoriasique peut provoquer des lésions et des déformations articulaires irréversibles.
Dr. Di Romana: À ce jour, le lien exact entre les deux pathologies n’a pas encore été identifié. Il s’agit au départ du même type de dysfonctionnement immunitaire et dans certains cas associés au gène HLA-B27. Nous savons que le risque de développer de l’arthrite psoriasique est nettement plus élevé chez les personnes atteintes de psoriasis, quelle que soit la gravité des symptômes cutanés. Le système immunitaire réagit de façon anormale et attaque soit la peau soit le système ostéo-articulaire de manière inapproprié.
Certains traitements fonctionnent mieux au niveau de la peau et d’autres agissent davantage sur les articulations. Il convient dès lors de prendre en compte tous les symptômes du patient afin d’identifier le traitement le plus indiqué dans une approche globale.
Dr. Lam: Nous nous sommes tout simplement rendu compte que nous avions beaucoup de patients en commun. Le jour où nos services ont déménagé au sein de l’hôpital, nous nous sommes donc installées face à face et nous avons mis nos ressources en commun.
Ainsi, avant de démarrer un traitement, nous réalisons ensemble et en amont un bilan complet des vaccinations du patient, afin d’éviter tout problème ultérieur. À cet effet, nous collaborons avec l’important centre de maladies infectieuses dont dispose le CHU Saint-Pierre.
Dr. Di Romana: Nous appliquons la même démarche commune et globale en collaboration avec nos collègues spécialisés en maladies inflammatoires intestinales. Avec nos trois spécialisations (peau, articulations et intestins), nous sommes en mesure d’assurer une prise en charge globale pour un trajet de soins optimisé. Cela nous permet d’accélérer le diagnostic et le démarrage du traitement, en fonction de la gravité des symptômes respectifs.
Dr. Lam: Cette approche facilite aussi considérablement la vie du patient d’un point de vue organisationnel, pour la prise de rendez-vous par exemple, parce que nous partageons les services d’une infirmière de coordination. Et puis, si nécessaire, nous pouvons faire appel à nos collègues spécialisés dans d’autres disciplines, tels que cardiologues, psychologues, nutritionnistes, etc.
Dr. Di Romana: Grâce à cela, les patients se sentent pris en charge en toute confiance. Ils apprécient aussi le fait de pouvoir échanger, notamment pour aborder des problématiques connexes comme le surpoids, le tabagisme et toutes les assuétudes. Sachant que le mode de vie joue un rôle important dans le traitement, nous essayons d’agir indirectement sur ces facteurs en proposant une aide concrète tout en responsabilisant le patient. De là tout l’intérêt de travailler en équipe.
Dr. Lam: En effet. Parmi les différentes formes de traitement qui existent - molécules orales, injections, perfusions, etc. -, nous nous appliquons à déterminer celle qui convient le mieux, en fonction des sensibilités, du mode de vie de chaque patient. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un traitement à suivre pendant des années.
Dr. Di Romana: C’est pour cela que les médecins ne seront pas remplacés par des machines (sourire) !
Dr. Di Romana: Même si nous avons la possibilité d’utiliser des traitements de pointe, nous sommes parfois encore confrontées à des croyances datant d’il y a 15 ans, à des patients en larmes qui se demandent pourquoi ils n’ont pas été mieux traités jusqu’ici. Cela m’amène à insister sur l’importance d’une véritable relation de confiance entre le patient et son médecin. En fait, il s’agit d’un deal. Le patient doit oser dire si le traitement ne fonctionne pas ou s’il ne lui convient pas. Mais il doit aussi se sentir responsabilisé et s’impliquer. Je veux dire par là qu’il doit être prêt à adapter son mode de vie si nécessaire. Une approche réussie repose sur un trépied : le médecin, avec son écoute et son pouvoir d’adaptation, le patient, avec son implication et sa motivation, et enfin le traitement. Ces trois piliers réunis permettent d’obtenir une meilleure qualité de vie, de rendre une vie normale aux patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique.
Dr. Lam: C’est extrêmement gratifiant et c’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis spécialisée dans le traitement du psoriasis. Voir que la peau d’un patient est blanchie, qu’il peut (re)faire du sport, partir en vacances sans se soucier des vêtements qu’il porte, aller à la piscine, rencontrer quelqu’un… En d’autres termes, sortir du cercle vicieux et de la souffrance pour oublier le psoriasis, à condition bien sûr de suivre scrupuleusement son traitement.
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