Le psoriasis et l’arthrite sont deux maladies inflammatoires qui se manifestent souvent ensemble. En cas de symptômes articulaires, il est important de les identifier le plus tôt possible afin d’éviter des dommages articulaires permanents Les docteurs Pierre-Paul Roquet-Gravy et Marc Vanden Berghe, respectivement Dermatologue, Maître de stage et Médecin Chef de Service Rhumatologie au Grand Hôpital de Charleroi, insistent donc sur l’importance d’un examen détaillé afin de permettre un diagnostic précoce.
Selon des statistiques, près d’un patient sur trois qui souffre de psoriasis est confronté à des symptômes arthritiques. Vous avez beaucoup de patients en commun ?
Dr. Pierre-Paul Roquet-Gravy : En effet. L’arthrite psoriasique est l’une des comorbidités les plus fréquentes du psoriasis, ce qui veut dire que les deux maladies se présentent souvent ensemble. Quand je vois des patients qui arrivent par la porte dermatologique, parce qu’ils ont des symptômes cutanés, je les interroge par conséquent de façon détaillée afin de déterminer s’il y a aussi une atteinte articulaire.
Dr. Marc Vanden Berghe : Les patients qui ont une polyarthrite psoriasique arrivent ici soit référés par le dermatologue, soit directement parce qu’ils ont des plaintes articulaires qui touchent souvent les doigts et les pieds, même si d’autres articulations, comme les hanches, les genoux et la colonne vertébrale, peuvent être affectées. Au-delà de douleurs, les patients souffrent souvent de gonflements des articulations ou de rougeurs, ainsi que de raideur matinale qui se dissipe avec le mouvement et de fatigue.
Il faut savoir que l’arthrite psoriasique est un des rhumatismes les plus farfelus à détecter parce qu’il peut se présenter de façons très différentes. Ainsi, certaines personnes ne souffrent que d’une seule articulation douloureuse, tandis que d’autres en ont plusieurs. L’anamnèse – l’examen détaillé en vue d’établir un diagnostic précis et correct - est donc très importante. Je prends systématiquement et largement mon temps pour examiner et interroger chaque patient en détail.
Si vous constatez qu’un patient est atteint d’arthrite psoriasique, comment se passe sa prise en charge ?
Dr. Roquet-Gravy : Le choix du traitement avec un patient qui a une atteinte articulaire évolutive se fait en concertation avec le rhumatologue. L’objectif dans ce cas est d’abord l’arrêt de l’évolution de l’atteinte rhumatologique.
Dr. Vanden Berghe : En effet. Le rhumatologue va essayer de contrôler la maladie afin d’éviter les lésions, parce que l’arthrite abîme le cartilage et si elle n’est pas traitée, à force le patient ne pourra plus utiliser l’articulation et sa maladie devient invalidante.
Il faut savoir que dans certains cas les traitements du psoriasis et de l’arthrite psoriasique peuvent être un peu différents. Souvent, en rhumatologie, nous utilisons des combi-thérapies. Cela veut dire que nous prescrivons des traitements associés, donc un traitement de fond classique combiné au traitement biologique adapté au patient individuel. Nous allons déterminer lequel en fonction des symptômes précis du patient.
Dans ce cadre, vous répétez qu’il est important de laisser le temps au traitement.
Dr. Vanden Berghe : Oui. Il faut un certain nombre de semaines avant de pouvoir évaluer correctement l’effet d’un traitement en rhumatologie. Ce délai peut s’avérer plus court en dermatologie. Il est important d’en tenir compte.
Une fois le diagnostic établi et le traitement démarré, le suivi sera un peu différent aussi.
Dr. Vanden Berghe : Au début, un patient en rhumatologie viendra tous les mois, dès qu’il est stabilisé, nous le verrons tous les trois à quatre mois. Pendant tout ce temps, il est essentiel d’effectuer des contrôles rapprochés, pour suivre les patients de près, sur la tolérance générale du traitement. A chaque consultation, par exemple, j’examine mes patients de la tête au pied et je fais une prise de sang. La prudence est de mise afin de pouvoir réagir de façon adéquate et rapidement en cas d’effets secondaires.
Dr. Roquet-Gravy : Par ailleurs, et cela vaut aussi pour tous les patients psoriasiques, il est important de prendre en considération l’ensemble de la personne et pas uniquement sa maladie : il faut regarder son âge, sa situation, ses projets et attentes. Ainsi, s’il s’agit d’une jeune femme qui a des souhaits de grossesse à court terme, on va choisir un traitement qui est permis pendant la grossesse.
Dr. Vanden Berghe : En plus, la façon dont la maladie – que l’on appelle auto-inflammatoire, parce que le système immunitaire se met à fonctionner en overdrive – se manifeste, peut changer au cours d’une vie chez la même personne et nous devons dans ces cas-là adapter le traitement. L’attirail dont nous disposons à cet effet est déjà très large et ne cesse d’évoluer.
Dr. Roquet-Gravy : Précisons que l’arthrite n’est pas la seule comorbidité du psoriasis. Il peut être associé par exemple à des maladies auto-inflammatoires du tube digestif comme la maladie de Crohn. Les patients que nous recevons souffrent souvent aussi de troubles métaboliques incluant obésité, diabète et cholestérol élevé. Il faut prendre en compte l’ensemble de ces facteurs associés pour une prise en charge globale et efficace du patient
Nous jouons d’ailleurs un rôle actif dans le dépistage de ces facteurs associés, sachant qu’il y a une corr élation établie scientifiquement entre l’hygiène de vie des patients et la gravité du psoriasis. Ainsi, les résultats des études scientifiques indiquent sans ambiguïté que la consommation d’alcool et de tabac ainsi que le surpoids peuvent aggraver le psoriasis (et vice versa) et peuvent aussi diminuer l’efficacité de nos traitements même les plus performants
Dans cette optique et même si nous n’avons pour le moment pas de consultation commune, nous collaborons étroitement avec nos collègues dans les disciplines concernées, gastro-entérologie, endocrinologie et diabétologie notamment. Nous disposons également d’un centre de l’obésité offrant une prise en charge multidisciplinaire médicale, diététique et psychologique ainsi qu’un accompagnement sportif. Dans les cas sévères et indiqués, la chirurgie bariatrique est également une option offerte au patient au sein d’un service compétent. L’hôpital dispose aussi de consultations spécifiques permettant la prise en charge multidisciplinaire des assuétudes (tabac et consommation d’alcool).
Notre objectif est d’inciter le patient à se prendre en charge en matière d’hygiène de vie sans obligation ou pression morale. Si la démarche n’est pas personnelle et volontaire, elle est vouée à l’échec. Nous informons et expliquons : cette approche se veut aussi motivante que possible pour tous nos patients.