La vie n’est pas toujours rose comme le dit le cliché, mais heureusement, les gens se révèlent souvent dotés d’une résistance à toute épreuve qui les aide à surmonter les épisodes les plus épineux. C’est le cas de Inge : malgré les revers qu’elle a subis ces dernières années et l’impact du rhumatisme psoriasique sur son quotidien, elle prend aujourd’hui plus que jamais plaisir à sa vie de famille, à son travail de bénévole et à son rapport à la nature.
Originaire de Bruxelles et titulaire d’un diplôme de sage-femme, Inge s’installe en Tunisie après son mariage, où elle vit avec son mari pendant 15 ans. En 1999, le couple rentre en Belgique avec ses trois enfants et Inge est engagée dans un service de gériatrie. Plus tard, elle devient référente palliative dans un centre de soins résidentiels. « J’ai particulièrement apprécié ce travail », dit-elle.
Un diagnostic tardif
En 2018, Inge, alors âgée de 57 ans, est victime d'une grave poussée de psoriasis sur les mains et les pieds. « Je ne pouvais plus marcher à cause des inflammations qui ne guérissaient pas », se souvient-elle. « Mon médecin traitant a fini par m’envoyer en allergologie, où l’on a diagnostiqué un rhumatisme psoriasique. » Le dermatologue l’oriente immédiatement vers la rhumatologie. « La collaboration entre les services de l’hôpital fut excellente et dès ce moment, j’ai été très bien suivie et les médecins ont trouvé assez rapidement le traitement approprié pour moi. »
Rétrospectivement, elle se rend compte que cela faisait peut-être des dizaines d’années qu’elle luttait contre cette maladie, mais sans faire le lien entre les symptômes. « Je vivais en Tunisie où le temps est souvent très ensoleillé, les taches de psoriasis étaient donc moins prononcées. Quant au mal de dos, tout le monde s’en plaint de temps à autre. J’ai par conséquent traité chaque symptôme séparément : j’allais chez le pharmacien pour une pommade contre les taches et on me faisait une infiltration quand j’avais mal au dos. Mais je en même temps, continuais à fonctionner comme si rien n’était. »
Elle doit cependant parfois se faire violence. « Je n’ai pas réalisé tout de suite l’ampleur de mon état », se souvient-elle. « À cause des rhumatismes, j’avais souvent des tendinites et des douleurs aux poignets. Parfois, je pouvais à peine marcher et j’étais de plus en plus raide. Je n’ai découvert que je souffrais de rhumatismes que lorsqu'on m’a diagnostiqué un psoriasis. » D’où l’importance d’un diagnostic précoce afin de prévenir d’autres dommages. « Il faut être à l’écoute de ses symptômes et consulter son médecin à temps », explique Inge. « Les médecins généralistes devraient pouvoir faire le lien plus tôt. Un diagnostic et un traitement précoces peuvent en effet permettre de mener une vie presque normale. »
Trou noir
En mars 2022, Inge doit arrêter de travailler en raison de son état de santé. « J’aurais aimé continuer, mais c’était pratiquement impossible. J’ai ressenti énormément de frustration et un profond sentiment d’inutilité », dit-elle à propos de la période qui a suivi son licenciement. « Je m’étais toujours dévouée corps et âme à mon travail. Tout à coup, cet engagement a disparu, tout comme les contacts sociaux quotidiens et habituels avec mes collègues et les personnes dont je m’occupais. Je suis vraiment tombée dans un trou noir. »
Il ne faut pas non plus sous-estimer l’impact financier d’un licenciement. « Malgré les indemnités, votre revenu diminue considérablement et vous perdez beaucoup d’autres avantages extra-légaux. »
Sur le plan administratif, l’incapacité de travail se révèle d’emblée être un sérieux problème. « J'ai dû moi-même me renseigner auprès d'un grand nombre d’organismes différents pour savoir à quoi j’avais droit : je pense qu’à ce propos, les pouvoirs publics devraient agir. Il pourrait par exemple être utile d’adjoindre à la consultation médicale une forme d’accompagnement pratique pour ce parcours. Tout le monde n’est pas aussi bien informé ou éduqué, ni suffisamment résistant pour passer par toutes ces procédures sans recevoir d’aide. »
Petits moments de bonheur
Inge refuse cependant de se décourager. « Je voulais me sentir à nouveau utile. Lors d’une consultation à l’hôpital, j'avais vu des affiches de CLAIR, l’association de patients atteints d’affections rhumatismales. Par son intermédiaire, je suis entrée en contact avec le Patient Expert Center, qui forme les patients à devenir des experts dans les domaines propres à leur maladie afin qu’ils puissent aider les autres. J’y ai suivi la formation Patient Expert. Et via Samana, une organisation pour les personnes atteintes de maladies chroniques et leurs aidants, j’ai commencé à faire du bénévolat. Depuis, je me sens beaucoup mieux. »
Entretemps, Inge et sa fille cadette, qui vit toujours avec elle, ont quitté la capitale pour s’installer en périphérie bruxelloise. « C'était un choix délibéré de venir vivre ici : cet endroit est à la fois facilement accessible et tranquille. L’ambiance y est très différente de celle de la ville, bien que le centre de Bruxelles soit tout proche. »
En pleine verdure, Inge a commencé à cultiver un potager. « C’est un potager à très petite échelle et nous essayons de nouvelles cultures chaque année. Nous cultivons des tomates, des concombres, des courgettes, des aubergines, de la laitue, des carottes, des petits pois, et quelques fleurs aussi bien sûr. Il y a également toutes sortes d’herbes aromatiques. Et des fraises, totalement bio. Le jardinage est une activité agréable qui facilite aussi un peu les choses sur le plan financier. En outre, cela nous permet de manger sainement, ce qui de plus en plus important pour moi. » Les animaux occupent également une place essentielle dans sa vie : « Nous avons quatre poules, deux chats, un chien et un oiseau. »
Pour rester en forme, elle essaie de faire autant d’exercice physique que possible. « Je fais du vélo d’appartement, je marche, mais je dois encore apprendre à doser mes efforts pour éviter le surmenage », confie-t-elle. D’autre part, elle éprouve une grande satisfaction à s’occuper de sa famille, lire et travailler de ses mains. « Le travail manuel n’est pas toujours évident, car cela demande beaucoup de précision », avoue Inge.
Aujourd’hui, elle envisage l’avenir avec davantage de sérénité que par le passé. « Ma retraite ne sera peut-être pas des plus élevées, mais je continuerai à m’adapter. Quoi qu’il arrive, tant que j’aurai une tête et deux mains, je m’en sortirai. J’ai appris à serrer les dents. Quelle que soit la gravité de la situation, j’essaie toujours de trouver tout de suite des solutions et de tirer le meilleur parti de ce que j’ai. Je suis heureuse de ne plus avoir à me faire passer au second plan. Ce que vous donnez à la société prend si clairement et si vite le pas sur votre vie personnelle… À présent, je dose ce que je peux donner à la société. » Et dans le cas de Inge, c’est vraiment inestimable.