Depuis sept ans, la professeure Jo Lambert (à droite sur la photo) dirige une consultation consacrée au psoriasis à l'UZ Gent, avec à ses côtés l'infirmière spécialisée Elfie Deprez.
Deux demi-journées par semaine, l'équipe de la professeure Lambert au grand complet (des médecins et infirmières jusqu'au personnel d'accueil) passe en mode psoriasis. Environ 400 patients chaque année se rendent ainsi à l'UZ Gent pour une consultation spécialisée sur le psoriasis.
Prof Jo Lambert: “Chaque semaine, je suis surprise par le nombre de personnes qui viennent totalement couvertes de taches de psoriasis. Leur médecin ne leur a rien dit ? Comment se fait-il que ces patients ne soient pas au courant des dernières évolutions en matière de traitement ?“
Elfie Deprez: “Le traitement du psoriasis est en effet un
problème, et pas uniquement dans notre pays. Bien souvent
avec une responsabilité partagée. Il y a des médecins qui
orientent mal leurs patients, mais aussi des patients qui interrompent
leur traitement eux-mêmes.“
Prof Jo Lambert: “Le psoriasis est une maladie chronique, c'est pourquoi, dans la majorité des cas, nous faisons un bon bout de chemin avec le patient. Peu à peu, une véritable relation de confiance s'installe. Nous discutons très ouvertement des avantages et des inconvénients des traitements, et de la façon dont ils peuvent être pris en charge.“
“Bien entendu, nous consacrons du temps à nos patients, en moyenne 40 minutes par consultation. Ils reçoivent également une carte avec notre numéro de téléphone et notre adresse e-mail, qu'ils peuvent utiliser pour nous poser des questions et parler de leurs problèmes. Le fait que nous soyons si facilement accessibles ne peut que renforcer la confiance entre le médecin et le patient.“
Elfie Deprez: “Nous travaillons tous selon une approche holistique qui prend non seulement les problèmes physiques en compte, mais aussi la situation psychosociale. Nous passons en revue le cheminement thérapeutique que le patient a déjà suivi. Et nous examinons quelles options de traitement sont encore possibles. Nous nous engageons à trouver le traitement le plus approprié pour le patient. De son côté, le patient s'engage à nous accorder le temps et la confiance nécessaires pour y parvenir. La route n'est pas toujours toute droite, nous rencontrons parfois quelques virages. Mais nous apportons toujours de l'espoir.“
Prof Jo Lambert: “Avant tout, il ne faut pas de tabous. Le patient a-t-il des fragilités médicales particulières ? A-t-il déjà eu un cancer auparavant ? Honte, isolement social, consommation d'alcool... Nous essayons de nous faire une image à l'aide de questions standards.“
Prof Jo Lambert: “Le psoriasis génital. La plupart des patients n'ose en parler qu'en fin de consultation. Dix pour cent des patients atteints de psoriasis en souffrent, et cela peut avoir un impact majeur sur leur vie amoureuse. Il y a aussi le psoriasis du cuir chevelu, qui se concentre sous les cheveux et provoque beaucoup de démangeaisons. Si les patients portent des vêtements sombres, on y voit vite un tapis de flocons.“
Elfie Deprez: “Nous demandons aux patients d'exprimer précisément leurs attentes. Quand ils le font, la probabilité d'obtenir un résultat positif est beaucoup plus grande.“
Prof Jo Lambert: “Quand un patient consulte un médecin pour la première fois, je pense que le médecin doit lui demander pour quelles raisons précises il vient le consulter ce jour-là. La première motivation du patient peut être très instructive. Si vous dites simplement 'J'ai du psoriasis', il y a une multitude d'expériences cachées derrière tout ça. Pourquoi êtesvous venu ici aujourd'hui ? Quelle zone vous dérange le plus? Qu'attendez-vous de moi ? Que pensez-vous de tel ou tel traitement ? Voilà, le genre des questions que nous, les fournisseurs de soins, devons poser.“
“Nous voyons un certain nombre de patients très vulnérables, ceux que l'on appelle les 'pourquoi moi'. Pourquoi ça m'arrive à moi ? Ils viennent ici avec de grandes attentes et pensent qu'ils seront très vite soulagés. Et s'ils ne voient pas de résultats rapidement, nous les perdrons encore. Certains ont vécu des expériences dramatiques. Les liens entre le corps et l'esprit sont indiscutables pour le psoriasis, c'est donc un domaine de recherche passionnant. Mais comment réagir face à des problèmes aussi graves ? Nous avons un psychologue dans l'équipe, mais encore faut-il que les patients qui en ont vraiment besoin le consultent.“
Elfie Deprez: “Jusqu'à aujourd'hui, cette aide psychologique ne se fait que sur base volontaire. Idéalement, il faudrait développer des outils pour cerner plus facilement les patients qui en ont vraiment besoin. Nous pourrions ainsi offrir des soins encore plus adaptés.“
Prof Jo Lambert: “Il y a effectivement des patients qui ne le réalisent pas avant d'arriver ici, surtout chez les jeunes. Quand on a dix-huit ans et que l'on a les premiers symptômes, le diagnostic d'une maladie chronique est un verdict lourd. Heureusement, on peut directement leur expliquer qu'il existe des médicaments qui maintiennent le psoriasis sous contrôle.“
“Dans une 2e phase, la question qui revient est de savoir si ces médicaments sont vraiment sûrs. Nous sommes très transparents là-dessus: nous ne savons pas, nous non plus, si certains médicaments auront des effets secondaires dans 40 ans. Ils sont sur le marché depuis une quinzaine d'années et, jusqu'à présent, il y a eu peu de plaintes. Le plus important, comme l'a dit Elfie, c'est que nous puissions donner aux patients l'espoir d'une amélioration.“
Prof Jo Lambert: “C'est exact, mais les médicaments les plus efficaces ne sont prescrits que sous certaines conditions. Dix pour cent de la surface du corps doivent présenter une éruption cutanée, ce qui signifie que le psoriasis génital et le psoriasis du cuir chevelu ne sont pas considérés comme recevables. Vous devez également avoir déjà suivi un traitement par UV ou par la lumière, ainsi qu'un traitement à la cyclosporine et au méthotrexate. Ce sont des traitements coûteux et le gouvernement doit garder le budget sous contrôle, ce que je peux comprendre. Mais en tant que dermatologues, nous luttons pour qu'un facteur tel que la qualité de vie soit reconnu comme un critère.“
Elfie Deprez: “Si nous maîtrisons le psoriasis, cela peut devenir un levier pour briser le cercle vicieux des comorbidités (ce sont des maladies associées au psoriasis) et des modes de vie peu recommandables. Les patients trouvent alors le courage de s'attaquer à d'autres problèmes: l’alcool, le diabète, l'obésité... Les bénéfices d'un traitement vont donc souvent au-delà de l'absence d'éruption cutanée.“
Elfie Deprez: “Il y a les patients qui savent tout, qui ont déjà tout cherché, mais aussi ceux qui ne savent même pas que le psoriasis va au-delà de la peau, ou que des liens existent entre le psoriasis et des maladies parallèles.“
Prof Jo Lambert: “Dans le cas du psoriasis, les informations partagées et le bouche-à-oreille jouent aussi un rôle important. Par exemple : Mon collègue a utilisé ce produit et son psoriasis a pratiquement disparu.“
Elfie Deprez: “Notre principe de base est que nous écoutons toujours sans préjugés.“
Prof Jo Lambert: “Il faut rester humble. Qui sommes-nous pour rejeter des approches alternatives comme cela ? Lait d'ânesse, pommade au cannabis, aloe vera, crème au souci, curcuma... c'est ok, tant que vous ne développez pas d'allergies. De nombreux médicaments classiques sont également à base de plantes.“
Prof Jo Lambert: “Auprès des associations de patients. De nombreuses idées fausses circulent encore sur la maladie, il suffit de consulter le groupe Facebook international Psoriasis, de visionner les photos ou encore de lire les conseils que les patients partagent...“
“Les médias classiques accordent beaucoup d'attention au cancer, mais trop peu aux maladies chroniques, alors qu'un traitement opportun et approprié est tout aussi crucial. Si vous ne soignez pas un psoriasis grave, vous vivrez en moyenne dix ans de moins. Cela ressemble juste à une maladie de la peau, alors que les conséquences sont énormes. Je vois souvent des hommes pleurer dans mon cabinet. Le psoriasis est une maladie très grave et malheureusement, on en parle encore trop peu. Même ici, à la consultation. Allez dans la salle d'attente: vous aurez du mal à voir qu'elle est pleine de patients atteints de psoriasis. Ils savent tous très bien cacher leurs taches. Peu de choses ont changé à ce niveau-là au cours des quarante dernières années. Heureusement, avec les traitements actuels, nous pouvons déjà aider beaucoup de patients et, en principe, personne ne devrait se promener avec une peau pleine de taches de psoriasis.“
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